Et demAIn, quelles perspectives ouvrent l’IA pour le marketing ?
Alors que près de 70% des marques envisagent principalement l’intelligence artificielle pour personnaliser leurs offres et l’expérience client, l’horizon ouvert par l’IA dans le marketing pourrait être plus… troublant.
L’avenir se construit au présent. En 2018, l’intelligence artificielle fascine les professionnels et tous, annonceurs comme prestataires, semblent convaincus – avec plus ou moins de sincérité – d’intégrer l’IA à leurs stratégies et à leurs outils. À ceux qui pensent faire de l’intelligence artificielle, et traiter un volume important de données, dans un minimum de temps, le Dr Laurent Alexandre, fondateur de Doctissimo et futurologue, répond sans détours : « Vous en êtes loin, sauf à être un GAFA ».
Le gourou de l’IA place le curseur du Big Data à 1 To de données par client, un volume que seuls Apple, Google ou Microsoft sont capables de collecter et d’analyser. « J’adorais faire développer mes pellicules et discuter avec les vendeurs Kodak, mais ça n’a pas permis à ce type de marques d’éviter le bouleversement du numérique. Seule l’efficacité compte aujourd’hui, et l’efficacité, elle est du côté des GAFA qui sont en train d’industrialiser le hacking de notre cerveau, livre l’auteur de La Guerre des Intelligences, avec franchise. Ce sont eux qui développent les applicatifs les plus addictifs, et le neuromarketing est au coeur de leur stratégie. C’est ce qui a permis à ces acteurs de truster le marché de la publicité digitale, mais ça ne va pas s’arrêter là. » Pour le futurologue, les GAFA vont, ainsi, phagocyter l’ensemble de la chaîne de valeur de l’économie numérique : « Imaginez le jour où les nouvelles générations de cadres, habitués à utiliser les services des GAFA, se verront proposer par Amazon, via AWS, un bon CRM dopé à l’intelligence artificielle. Les GAFA ont déjà le monopole de la relation client en vente simple BtoC, mais ils vont prendre de plus en plus de poids en ventes complexes BtoB ! Et vous ne pouvez pas lutter avec eux : Google verse jusqu’à 100 millions de dollars de bonus à chacun des talents de l’IA que l’entreprise a attiré ou cherche à attirer… »
L’automatisation des tâches
« Pour être sûr d’avoir un emploi, ne devenez pas data scientist, au contraire, fuyez la data ! »
Alors, quel avenir s’offre aux responsables du marketing et de la relation client ? « L’intelligence artificielle forte, capable de prendre des décisions dans un environnement complexe, ce n’est pas pour tout de suite, explique Laurent Alexandre. Les cadres et les managers vont être de plus en plus irremplaçables. L’IA aujourd’hui, ce n’est que l’analyse de patterns statistiques à grande échelle. Toutes les avancées de l’IA sont data-driven, or il n’y a pas de données sur un grand nombre de problématiques complexes et transverses. Mais ça ne veut pas dire qu’un très grand nombre de tâches ne vont pas être automatisées ces prochaines années. «Et cela ne concerne pas que les petits métiers manuels : « Pour être sûr d’avoir un emploi, ne devenez pas data scientist, au contraire, fuyez la data ! Il faut aller sur des métiers ou les IA ne pourront pas prendre le dessus faute de matière à exploiter. »
L’automatisation des tâches, tel est d’ailleurs l’un des sujets sur lequel planche Salesforce. « L’intelligence artificielle, et son application dans la voix révolutionne les méthodes de travail et amène les entreprises à s’interroger sur leur façon de travailler », constate ainsi Guillaume Aurine, directeur marketing produit de Salesforce. L’entreprise vient de lancer sa nouvelle offre Einstein Voice composée d’un volet sur la création de chatbots et d’un autre, Voice Assistant, permettant aux conseillers client et aux collaborateurs d’interroger à la voix leur base de données, sur ses trois prochains rendez-vous, la remontée de la fiche d’un client ou un bon de commande précis. Guillaume Aurine précise néanmoins que « ces nouvelles méthodes de travail induisent, en termes d’organisation, une connexion entre plusieurs systèmes de données, mais aussi une qualité importante des données pour être en mesure d’accéder ou de corriger une information en temps réel ».
L’utilisation de l’IA au sein des équipes marketing va également permettre l’automatisation de certaines tâches récurrentes comme la rédaction de documents. « Outre le gain de productivité, les équipes marketing vont pouvoir se concentrer sur des fonctions à valeur ajoutée : la créativité, le relationnel, l’orchestration des campagnes », explique Thomas Husson, tout en mettant en garde contre « l’effet boîte noire » des algorithmes : « On doit être en mesure de comprendre et de justifier les choix faits par les algorithmes, pour ensuite décider ou non de les appliquer ». D’où l’importance d’avoir en interne une équipe chargée d’orchestrer les différentes solutions techniques. Malgré les mises en garde de Laurent Alexandre, 71 % des entreprises prévoient de recruter de nouveaux profils – et 68 % d’en former. La recommandation personnalisée L’intelligence artificielle va se révéler de plus en plus indispensable dans le traitement des données, pour peu que celles-ci soient fiables et mises à jour. « Le volume des données récupérées par les marques et les enseignes dépassent la capacité de traitement humaine », confirme Lionel Lemoine, Head of Solution Consulting, South West Europe chez Adobe. Textes, mais aussi, images et vidéos peuvent être analysés plus rapidement.
Au Canada, Décathlon analyse ainsi, grâce à un logiciel de reconnaissance d’images, les photos postées sur le Web par sa communauté, pour « identifier les sports partagés et pouvoir, ainsi, recommander le bon équipement ou le bon coaching de façon personnalisée », explique Samuel Mercier, Leader Intelligence artificielle pour Décathlon au Canada. Une tendance confirmée par Vanessa Moreno, Research Director chez Dynvibe : « L’écoute du web et des réseaux sociaux par l’intelligence artificielle permet dorénavant aux marques d’identifier l’émergence spontanée de communautés d’individus, et, ainsi de tendances émergentes, sources des innovations de demain et forcément plus proches de la réalité des consommateurs. »
Attendue par les marques pour personnaliser l’expérience client, l’IA oeuvrerait à mixer les données historisées d’un client à celle d’individus ayant un comportement similaire, afin de pousser, par corrélation, des recommandations personnalisées. Netflix ou Amazon font figure de modèles en la matière, « en suggérant d’autres films ou produits que vous seriez susceptibles d’aimer en fonction de ce que vous avez déjà regardé ou acheté, et le tout grâce à des scores qui se mettent à jour en temps réel, là où il fallait auparavant plusieurs jours pour construire des scores de potentiels », confirme Guillaume Bourdon, co-fondateur de Quinten, start-up spécialisée dans l’IA. Romain Lerallut, Engineering Director chez Criteo, met néanmoins en garde : « L’enjeu est de trouver un compromis entre ce que la marque suggère et ce que le client a réellement envie de voir, autrement dit entre la personnalisation et le libre choix. Ce qui soulève également la question : Comment offre-t-on une concurrence libre dans un nouveau monde où ce sont les machines qui prennent de plus en plus de décisions ? »