Le tissu économique européen et français bouge. Les petites entreprises qui avaient peu de projets liés au digital ont désormais l’intention de développer de nouvelles solutions numériques et d’investir dans le travail à distance.
208 milliards de dollars. C’est la prédiction faite par l’étude Cisco en juin 2020 quant à l’augmentation attendue du PIB français grâce à la transformation numérique d’ici 2024. Ceci confirme que les petites structures qui résistaient jusque-là ont finalement décidé qu’elles n’avaient plus d’autre choix que d’aller résolument de l’avant. L’étude mondiale Twilio estime d’ailleurs que la crise sanitaire a fait accélérer de 6,7 années l’univers de la communication digitale et de l’expérience client des entreprises françaises. La preuve avec ces trois fleurons français en pleine croissance grâce à un virage numérique stratégique.
Gants Rostaing : pleins feux sur l’innovation
On ne parle pas ici de gants de couture, mais de gants professionnels et techniques. Excusez du peu, mais l’histoire a en réalité commencé dans une tannerie fondée en une année révolutionnaire, 1789. Jardinage, bricolage, travaux publics, sécurité sont les mamelles de cette entreprise, qui a su mieux que résister face à la multiplication de la concurrence. La raison principale en est la stratégie d’innovation constante qui a été menée depuis des années. Elle a ainsi investi le domaine de la sécurité avec des produits destinés aux policiers et aux pompiers et reçu de nombreuses récompenses pour la technicité de ses produits. Ces prix ont mis en lumière cette société française, installée dans l’Ain et au Maroc. Une division, aujourd’hui totalement indépendante de la société française, a également été créée au Vietnam il y a plusieurs dizaines d’années.
Après 1789, 2021. Nouvelle année révolutionnaire pour Rostaing, celle du numérique. Les ventes sont devenues omnicanales, les produits s’achètent en magasin, en ligne sur son site ou sur des sites de e-commerce. Et cela va prendre une nouvelle tournure grâce à l’achat d’un progiciel dédié qui va largement faciliter cette nouvelle politique. Un demi-million d’euros sera consacré aux nouveaux outils numériques ainsi qu’à la formation indispensable du personnel de l’entreprise. Stéphane Rostaing, le dirigeant 6ème génération n’a pas eu froid aux yeux pour ce virage qui va l’emmener jusqu’à fin 2022. Il faut dire que l’entreprise coche toutes les cases de la croissance, et son PDG est de type hyperactif. Dans le cadre de son mandat de président départemental du Medef, il a également insisté sur le rôle essentiel joué par l’innovation et la communication quelle que soit la taille de l’entreprise.
Stores et Rideaux : l’ère digitale
Stores et Rideaux, entreprise d’Eure-et-Loir, spécialiste du secteur de la décoration maison a pendant des années assis son activité sur une cible professionnelle. Vers la fin des années 90, l’entreprise crée son site internet mais sans que cela ne devienne une voie stratégique. Stéphane Beretti devient propriétaire de l’entreprise en 2006. Ce professionnel des télécoms et de l’électronique qui a démarré chez Hatari ne connaît pas vraiment la fabrication des rideaux, mais dispose d’une solide expérience technologique. Cet atout va rapidement être mis à contribution, car la crise de 2008 vient frapper de plein fouet la PME qui voit sa pérennité engagée. Une réflexion est engagée et à partir de 2011, Stéphane Beretti décide de lancer la société sur une nouvelle cible, celle du grand public. Pour ce faire, une politique internet globale est mise en place, qui a demandé de grands efforts d’adaptation au personnel, déjà échaudé par les difficultés précédentes.
« L’humain avant tout », voici le mantra du dirigeant. Il a fallu passer d’une culture « de la peur » selon ses propres mots, en particulier la peur bien compréhensible de la perte de son emploi, à une culture de la volonté pour aller de l’avant. Pour y parvenir, l’adhésion de tous pour modifier certaines habitudes bien ancrées a été indispensable. En réalité, le site internet n’a pas servi qu’à mettre en avant des produits, il a aussi mis en valeur le travail et les salariés. « Nous sommes dans un pays qui est assez anxiogène, parfois sans raison, mais ici, ce changement a enlevé une inquiétude, ce côté a disparu et l’ambiance est bien meilleure ».
Les Français se sont mis à acheter bien plus que d’habitude pour améliorer leur intérieur, provoquant une belle augmentation du chiffre d’affaires de l’entreprise beauceronne. Une croissance de 18% pour Stores et Rideaux qui a conforté dans sa décision Stéphane Beretti, président du groupe propriétaire Sodiclair, de poursuivre ses choix. Cette progression reflète la croissance des ventes faites auprès des particuliers en France comme à l’étranger, grâce à des investissements annuels réguliers, de l’ordre d’un million d’euros, pour atteindre les 200 000 clients. Le marketing digital a porté ses fruits, et le reste a suivi : prise de commande, stocks, logistiques, fabrications, achats, toute la chaine est automatisée.
Cette année, la suite du programme est la poursuite de la digitalisation de la relation clientèle et l’achat de nouvelles machines. Une modernisation qui va aussi dans le sens de l’emploi avec la création de plus d’une trentaine de postes pour une fabrication made in France représentant 12 millions en 2020, et 22 prévus en 2025.
La Redoute : un beau cas d’école
Lorsque l’on évoque les politiques de digitalisation, difficile de passer à côté de la véritable aventure qu’a connu la Redoute, entreprise en grande difficulté qui a su non seulement s’en sortir par le haut, mais aussi rebondir sur son marché grâce à une politique très volontariste de modernisation. 88 millions de pertes, c’était l’horrible constat des dirigeants de l’entreprise en 2013, une entreprise paquebot qui fuyait de toute part en dépit d’une clientèle fidèle et nombreuse. Elle avait pris un coup de vieux, cette Redoute avec son énorme catalogue de 1000 pages distribué sur tout le territoire. Il y avait pourtant eu la création de l’une des premières boutiques internet en 1999, mais on ne change pas le cœur de métier, ni la culture d’une entreprise d’un coup de baguette magique. La spécialité de La Redoute tenait en trois lettres : VPC, vente par correspondance.
Face à la catastrophe imminente, l’entreprise va trouver son salut : elle est rachetée en 2014 par Nathalie Balla et Eric Courteille. Les nouveaux dirigeants prennent des décisions fortes qui vont produire leur effet en l’espace de quatre ans. Il va falloir modifier ce C, cette correspondance qui va prendre un autre aspect. Site internet, m-commerce, application personnalisable, marketplace revue et corrigée avec vendeurs partenaires, La Redoute entre dans un nouveau monde, sans pour autant abandonner le « dur ». Ainsi elle a tablé sur la création de boutiques sous les enseignes « La Redoute » et « AM.PM ». Cet effort n’a pas été le seul, le bouleversement a été total. L’offre est passée de deux collections annuelles à huit, avec un positionnement plus moderne.
Des chats en ligne sont créés, l’intelligence artificielle analyse les données clients, un nouvel entrepôt voit le jour, en bref, l’entreprise est définitivement passée dans le XXIe siècle. Résultats de ces efforts colossaux : 90% du chiffre d’affaires sont générés en ligne, notamment via les smartphones. Le catalogue n’a pas complètement disparu même s’il a perdu du poids. Plus encore que la technologie, ce sont les transformations en matière d’organisation, les nouvelles fonctions et les nouvelles compétences en matière digitale qui transforment en profondeur La Redoute. Un challenge dans une entreprise où de nombreux salariés sont aussi actionnaires.
Le 31 août 2017, le groupe Galeries Lafayette a racheté La Redoute, un nom redevenu attrayant économiquement. De quoi voir l’avenir sous des auspices plus sereins, même si le travail continue face aux mastodontes étrangers. Une réussite dont le groupe dans son ensemble peut s’enorgueillir.
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