De moins en moins de PME et TPE participent aux marchés publics (une manne de 100 Mds€). A rebours, la CPME met un coup de projecteur sur ce qui fonctionne, pour encourager les entreprises à se lancer.

Décidément, cela bloque. Pire, les blocages s’accentuent … Entre 2014 et 2017, la part des PME dans la commande publique a diminué : elle est passée de 62 à 57,5% en nombre de contrats et de 33 à 29,4% des montants (pour les marchés supérieurs à 90 000 euros HT), d’après les chiffres de l’Observatoire économique de la commande publique, qui dépend de Bercy. Le potentiel de croissance non exploité pour ces petites entreprises est immense, vu les 100 Mds € que pèse la commande publique.

C’est pour tenter de contrer cette réalité que le 18 avril dernier, la CPME, Confédération des PME, a organisé une conférence sur les «Initiatives pour favoriser l’accès à la commande publique», au CESE, Conseil économique, social et environnemental. «Nous avons à porter la parole du marché public comme outil de développement des PME», a commenté Frédéric Grivot, vice-président de la CPME et président du groupe de travail «Marchés publics» de l’association. Il le rappelle, il existe des freins objectifs à l’accès des PME à la commande publique, parmi lesquels les retenues de garantie, – même si elles ont diminué -, les assurances demandées, sans parler des «atermoiements » de Chorus pro, le logiciel de facturation de l’Etat…

Toutefois, avec l’ensemble des intervenants, Frédéric Grivot s’accorde avec Pierre Pelouzet, le Médiateur des entreprises. Pour ce dernier, «beaucoup de sujets se ramènent à un besoin de communiquer, de se comprendre». Le manque de confiance est «l’une des raisons pour lesquelles les petites entreprises n’y vont pas», estime Pierre Pelouzet. En arrière-fond, une accumulation d’incompréhensions et de méconnaissance. Administrations et entreprises ne partagent pas le même langage, comme l’illustrent les termes «Dume» ou «profil acheteur»… Les règles diffèrent, aussi : le délai légal de paiement ne se calcule pas de la même manière dans le public et le privé. De plus, des perceptions datées perdurent, en dépit d’une situation qui s’est parfois améliorée, comme en matière de délais de paiement, pour l’État et certaines collectivités locales.

A la Réunion, 30% d’acompte à la commande

Face à cette situation, des acteurs divers s’engagent dans des démarches qui, toutes, ont en commun de s’efforcer de rapprocher PME et secteur public. C’est le cas à la Réunion, avec SBA, Stratégie du bon achat. Cette association a été fondée en 2014 par l’écosystème local des entrepreneurs. Le principe ? «Il s’agit d’une instance de dialogue social territorial. Nous faisons rencontrer ces intérêts. Avant, ils ne se parlaient pas», explique Dominique Vienne, son président. Concrètement, l’association passe des conventions avec les collectivités et organise des rencontres mensuelles qui permettent un partage de bonnes pratiques. L’association a mis sur pied un système «triple A», qui attribue des notes aux acheteurs, sur les sujets de l’anticipation, de l’ancrage territorial et de l’adaptation. Par exemple, «toutes les collectivités signataires accordent 30% d’acompte à la commande, sans caution bancaire», illustre Dominique Vienne. Autre engagement, une fois par an, les acheteurs viennent présenter les marchés à venir. «C’est un moment de dialogue, où l’entreprise se dit : c’est plus facile que je le croyais (…) De mon coté, par exemple, cela m’a permis d’identifier un marché 12 mois à l’avance, ce qui m’a donné le temps de m’organiser pour répondre», explique Dominique Vienne, lui-même entrepreneur dans le bâtiment.

En Bretagne, une association cousine, Breizh Small Business Act est née de l’initiative des collectivités locales. «Un dialogue social territorial, nous aussi, essayons de faire cela», témoigne Xavier Boivert, président de l’association. Le constat : «Il faut sensibiliser», prône-t-il, citant le «choc psychologique» d’une commune productrice de granit, découvrant que le granit utilisé pour les bordures de route provenaient du Portugal… «Aujourd’hui, les élus qui portent l’achat public disent : je veux du granit breton. Avant, ce n’était pas une question», note le responsable. L’association est également engagée dans l’open data, avec une conviction : l’accès à toutes les données des marchés publics est susceptible de simplifier la veille pour les PME.

L’armée pactise avec les start-up

Parmi les autres témoignages, celui d’un acheteur de taille, le ministère des Armées. Ce dernier est reconnu comme exemplaire dans sa démarche. C’est l’unique ministère titulaire du label «Relations fournisseurs et achats responsables», qui distingue 45 entreprises en France ayant fait preuve de relations durables et équilibrées avec leurs fournisseurs. Arnaud Marois, délégué aux PME-PMI auprès de la ministre des Armées, rappelle que son ministère travaille en direct avec 26.000 PME et ETI, pour un montant de 4,7 Mds, dans de nombreux domaines. Cette réalité est le fruit d’une «volonté politique» qui s’est concrétisée il y a six ans dans le programme «Pacte défense PME », précise-t-il. Par exemple, «nous avons diminué les délais de paiement (…). Aujourd’hui ils sont de 20 jours, en moyenne. Cela a enlevé des tensions pour les petites entreprises pour qui c’est essentiel», illustre Arnaud Marois. Depuis mai dernier, le ministère a entamé une nouvelle démarche «Plan action PME ». Objectif : «renforcer la relation de confiance» avec les start-up, dont le ministère attend créativité et réactivité, explique Arnaud Marois. Pour ce, le ministère s’attache, notamment, à se rendre «plus accessible», « plus à l’écoute ». Des rencontres sont organisées entre hauts dirigeants du ministère, chefs de grands services ou directeurs d’administrations, et entrepreneurs.

Autre démarche, des journées sont consacrées à des sujets spécifiques. Ainsi, en juin 2018, à Toulouse, une journée «technico-opérationnelle eau et défense» a réuni professionnels du ministère et PME de la filière. «Cette démarche est nécessaire pour voir apparaître des propositions innovantes qui répondent à nos besoins», analyse Arnaud Marois. Ces derniers sont très spécifiques. Par exemple, en opération extérieure ou suite à une catastrophe, l’armée doit pouvoir s’approvisionner en eau de manière autonome, pour ses besoins propres et ceux des populations…Autre objectif de l’armée aujourd’hui, précise Arnaud Marois : «convaincre d’autres grands donneurs d’ordre» d’adopter le label «Relations fournisseurs et achats responsables».

Source : tribuca.net